Heurs et malheurs d’une cité-Etat : le cas Dubaï
On entend souvent (de la part de géographes, économistes et géopoliticiens) que les structures urbaines et économiques les mieux adaptées à la mondialisation sont celles que l’on appelle couramment les cités-Etats : reconnaissables notamment grâce à leur urbanisme vertical toujours plus innovant, ces centres nodaux et hubs à la pointe de la technologie multimodale constituent des points d’accélération majeurs des flux internationaux. Le cas Dubaï illustre parfaitement l’idée selon laquelle leur croissance est dépendante et directement liée avec celle du marché international. Ne bénéficiant pas d’une seule goutte de pétrole, Dubaï fait exception dans le paysage moyen-oriental ; il a fondé son développement sur l’immobilier, le luxe, les zones franches, la finance (Dubaï est l’une des toutes premières bourses électroniques), et l’emprunt à court terme. Le modèle a fonctionné un temps, mais le miracle dubaïote a montré ses limites l’année dernière : l’endettement excessif associé à la crise de l’immobilier a mené Dubaï au bord de la faillite. C’était sans compter sur son voisin Abu Dhabi, véritable éponge à pétrole qui lui signe un chèque de vingt milliards d’euros et lui accorde un rééchelonnement de sa dette.
Qu’en est-il aujourd’hui ? La crise de la dette est loin d’être passée et Dubaï, qui ne peut aujourd’hui honorer ses remboursements, doit demander un nouveau délai de paiement, pour la 3ème fois. De là à conclure à un faux modèle de prospérité il n’y a qu’un pas… Qu’il faut se garder de franchir. Luxe et démesure ne sont pas les seuls atouts économiques de Dubaï ; le port de Jebel Ali, 3ème au monde pour le ré-export après Hong-Kong et Singapour, la qualité des infrastructures, l’aéroport et la compagnie aérienne Emirates Airlines font de la cité-Etat une plateforme logistique unique au monde. Et les perspectives de reprise du commerce (hausse de 6% des importations et de 14% des exportations sur les dix derniers mois) ainsi que du système financier et bancaire sont de meilleure augure, du moins si Dubaï apprend à allier innovation… et prudence. Sultan Sooud Al Qasemi, figure des Emirats et homme d’affaires influent se montre très confiant, arguant de l’image de marque de Dubaï, de ses entreprises d’Etat comme Emirates Airlines ou Dubaï Port, et de ses nombreux biens à l’étranger.
Si la croissance semble donc bien être de retour, le cas Dubaï doit aussi nous rappeler un chose : ne pas confondre croissance et développement, soit « l’ensemble des transformations des structures économiques, sociales, institutionnelles et démographiques qui accompagnent la croissance, la rendent durable et, en général, améliorent les conditions de vie de la population » (François Perroux). Il faut en effet rappeler que 90% de la population dubaïote est d’origine étrangère, dont l’immense majorité travaille dans les chantiers, la restauration ou l’hôtellerie, secteurs dans lesquels le droit du travail est quasi-inexistant. Plus encore qu’un projet économique de long terme, c’est d’une vision de société plus globale dont Dubaï a besoin.